Si une population entière souffre de la famine, c'est parce que quelqu'un, quelque part, y voit une source de profit. Il est difficile d'exterminer un groupe ethnique que vous détestez, la guerre coûte cher, il y a des questions à l'ONU, et vous risquez de vous retrouver à La Haye, jugé pour crimes de guerre. Mais attendez que survienne une mauvaise récolte et arrangez-vous pour que la population toute entière soit affamée, et ce n'est plus pareil — voilà que vos ennemis sont prêts à lâcher leur argent contre de la nourriture, voilà que l'ONU arrive à la rescousse plutôt que de vous taper sur les doigts, et vous récupérez une fraction des aides, vous collectez des pots-de-vin auprès de toutes les ONG, vos ennemis sont parqués dans des camps et vous pouvez faire entrer vos forces armées dans le pays sans rencontrer la moindre résistance, vous assurer que vos ennemis disparaissent, contrôler tout ce qui se passe lorsque certaines livraisons s'égarent dans des entrepôts gouvernementaux où on peut vendre de la nourriture aux affamés ou carrément l'exporter pour en tirer profit...
L'auteur choisit de commencer le livre dans un futur éloigné de quelques siècles où le monde vit dans une économie d'abondance, où chaque être humain génère lui-même de quoi satisfaire ses besoins énergétiques naturels. Michelle, ayant choisi temporairement de vivre dans le corps d'une sirène, est missionnée pour faire des recherche sur le philosophe Jonathan Terzian, ayant vécu quelques siècles auparavant et le premier à avoir évoqué la possibilité de la venue d'une économie d'abondance. Elle va découvrir qu'il a en fait été partie prenante d'une histoire rocambolesque concernant un virus transgénique. Virus qui sera à la base de l'épidémie dite de la Peste du Léopard vert qui apportera aux êtres humains la photosynthèse, à savoir le processus bioénergétique qui permet à des organismes de synthétiser de la matière organique en utilisant l'énergie lumineuse, l'eau et le dioxyde de carbone.
En plus de dénouer parfaitement les deux intrigues, l'auteur se permet de mettre en place une chute complètement inattendue, concernant une sous-intrigue qui semblait mineure, ce qui ajoute encore au plaisir de lecture. Un petit chef d'œuvre, justement récompensé du prix Nebula. ( )